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Résumé et analyse du cas ville d'Helsinki et OpenOffice en 2010-2011

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Ce document a été préparé par la Free Software Foundation Europe (FSFE) pour les lecteurs qui sont intéressés par le projet pilote OpenOffice de la ville d'Helsinki, et les leçons qui peuvent en être tirées.

Rappel  : Historique du projet pilote OpenOffice

L'émergence du projet est une initiative politique du membre du conseil municipal Johanna Sumuvuori : « Dans la ville de Lappeenranta l'usage croissant de logiciels libres¹ induit une économie d'environ 70 pourcent sur le budget informatique de l'école » Cette initiative a été signée par 60 autres membres du conseil et présentée au conseil municipal du 24/11/2011.

Durant l'été 2011 la ville d'Helsinki a recruté un nouveau DSI. Une fois installé, il a préparé un plan de réponse à l'initiative du conseil municipal. Lors d'une réunion en Janvier 2011, organisée par la conseillère Sumuvuori, à laquelle la FSFE a également été conviée, le nouveau DSI d'Helsinki Raitio a présenté son plan. Il souhaitait d'abord nommer un chef de projet. Puis le département de l'information aurait installé OpenOffice sur les ordinateurs portables de tous les membres de la commission municipale - un groupe d'environ 600 représentants élus qui participent à la gouvernance de la ville via une douzaine de commissions plus restreintes. En cas de succès, ce projet pilote aurait été suivi par l'installation de OpenOffice sur les 21000 postes de travail de la ville.

Plus tard l'hiver de la même année, la FSFE a échangé une correspondance e-mail avec Raitio, et en Mars 2011 la FSFE a eu le plaisir de rencontrer la responsable du projet pilote OpenOffice. Elle a parlé aux représentants de la FSFE de ses plans, ainsi que de certaines difficultés rencontrées en essayant de créer un package OpenOffice au format MSI permettant une installation automatique sur les stations de travail de la ville. La FSFE apprit aussi à cette occasion que la majeure partie de l'informatique était externalisée vers la société Tieto, et que ce projet dépendait dans une certaine mesure de la capacité de Tieto à installer OpenOffice. Comme nous voulions être sûr à la FSFE que ce projet n'allait pas échouer pour de simples raisons techniques, nous avons offert notre aide pour les questions techniques, et nous avons également présenté le responsable du projet en personne aux responsables officiels de la migration vers OpenOffice au ministère finlandais de la justice. L'un d'entre eux était Martti Karjalainen, le responsable du projet, qui a par la suite écrit une thèse de doctorat sur le sujet. Nous avons également annoncé à Tieto que nous pouvions leur fournir plus de contacts en cas de besoin - par exemple chez Novell ou IBM, car ces entreprises fournissent une assistance commerciale et des produits basés sur OpenOffice

Plus tard, au printemps, les représentants de la FSFE ont reçu un e-mail du responsable du projet Raitio, les informant que l'installation automatique d'OpenOffice sur les postes de travail de la ville se déroulait normalement. Puis des nouvelles concernant le projet ont été publiées sur osor.eu, Raitio a prévenu la FSFE que le département de l'information ne communiquerait plus de nouvelles concernant les développements du projet, et qu'il nous faudrait attendre la publication du rapport final. Quand le rapport final a finalement été communiqué aux élus le 28-12-2011, le département de l'information de la ville n'en a pas informé la FSFE.

Malgré le manque d'informations officielles, début Décembre 2011 certaines informations sur le déroulement du projet pilote ont filtrées. Il s'avérait que:

Analyse du rapport du département de l'information

Quelques jours après Noël 2011, le département de l'information a remis un rapport sur le projet pilote OpenOffice au conseil municipal. Ce rapport de 20 pages concluait que le passage à OpenOffice couterait 74% de plus que de continuer à utiliser MS Office sur une période de 7 ans. Si l'on en croit le rapport, l'investissement pour une migration sur deux ans serait de 4,5 millions d'euros, suivi d'un coût annuel de 3,4 millions d'euros. La portion du rapport détaillant les calculs est limitée à 3 pages, et manque de calculs réels, nous ignorons ainsi quels problèmes sont envisagés pour provoquer de tels coûts. La ville ne dévoile pas les méthodes utilisées pour ses calculs.

Cependant, le rapport mentionne que les calculs sont basés sur un modèle présenté dans le document « Gartner Toolkit : The Cost to Upgrade Microsoft Office or Move to OpenOffice.org ». Comme ce rapport n'est pas issu de la recherche académique, mais est un article Gartner coûtant 7500$, on peut raisonnablement se demander si le modèle Gartner a été soumis à un examen et une évaluation correcte puisqu'il est quasiment secret. Tout ce qui est connu de ce rapport est que ce document est écrit par une personne seule,et que l'auteur donnait en 2008 des arguments en faveur du format OOXML de Microsoft, alors que dans le même temps le reste de l'industrie (IBM, Novell, Google notamment) soutenait le format Open Document qui devint plus tard un standard ISO et est largement pris en charge par toutes les suites bureautiques et les visionneuses de documents disponibles aujourd'hui.

Un tel secret rend suspect les résultats devant servir de base de décision, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du département de l'information de Helsinki. Tandis que ce secret rend quasiment impossible un débat sérieux au sujet de ces calculs, quelques unes des hypothèses avancées devraient être mises en doute. Par exemple, les calculs supposent que malgré la migration vers OpenOffice, l'organisation continuera à utiliser les formats de fichiers propriétaires de Microsoft, alors que l'un des bénéfices majeurs de la migration vers OpenOffice ou d'autres suites équivalentes est justement l'utilisation native des formats ISO Open Document. Ce qui assure l'organisation que leurs documents bureautiques sont archivables électroniquement et pourront toujours être ouverts dans 10 voire 100 ans. De plus, s'appuyer sur de tels standards apporte d'autres avantages en terme d'interopérabilité, puisque les fichiers peuvent être lus et écrits à tout moment et en tout lieu, sans verrouillage commercial. Une autre hypothèse dans les calculs est qu'après la migration, 5500 utilisateurs (12% du personnel utilisant des ordinateurs) continuera à avoir besoin d'utiliser MS Office, en raison de certaines fonctionnalités avancées supposées exister perpétuellement dans MS Office, et ne jamais être disponibles dans OpenOffice ou LibreOffice.

Ce problème de secret est aggravé par le fait que le rapport fourni par le service de l'information de la ville d'Helsinki ne fait mention d'aucuns auteurs. Normalement il est demandé aux fonctionnaires d'être identifiés lorsqu'ils exercent leurs fonctions. Est-ce que les auteurs du rapport ont recouru à l'anonymat car ils ne voulaient pas être tenus pour responsables des résultats ? Le rapport a-t-il seulement été écrit par des fonctionnaires municipaux, ou par un consultant du fournisseur des systèmes actuels utilisé par la ville ?

Il est également intéressant de noter que toute l'analyse des coûts n'a été faite qu'en consultant Microsoft et ses revendeurs. A notre connaissance aucune demande d'information n'a été adressée à des entreprises fournissant des services relatifs à OpenOffice ou à d'autres fournisseurs de suites bureautiques. IBM ou Novell n'ont même pas été consultés directement. Ainsi, le calcul de coût manque totalement d'informations tarifaires de fournisseurs pouvant potentiellement fournir une assistance commerciale pour OpenOffice ou des produits similaires. Et aucun chiffre concernant les prix de l'accord conclu avec Microsoft, où d'autres coûts relatifs à Microsoft ne sont fournis. Seules les différences de coûts sont présentées.

Il est également intéressant de noter que la notion de passation de marché public est absente du rapport. Les auteurs anonymes du document semblent ignorer toutes les questions de libre compétition et d'appel d'offre. Par exemple les calculs supposent que durant les 7 années pour lesquelles les projections sont faites, des logiciels comme Microsoft Sharepoint et Exchange resteront utilisés. A la page 7, se trouve une figure indiquant que le département de l'information a déjà décidé de renouveler l'accord avec Microsoft tout les 3 ans, au moins jusqu'en 2019, ce qui peut être illégal au regard du droit ds marchés publics finlandais.

Du point de vue du contribuable, le DSI d'Helsinki a commis une grave erreur tactique en rendant un rapport révélant que la ville n'a pas d'alternatives au moins jusqu'en 2019, et qu'elle prévoit de renouveler ses contrats avec Microsoft tant que que les prix augmenteront de moins que 3,4 millions d'euros - tout cela alors que le prochain round de négociation avec Microsoft est programmé en 2012, l'année suivant la publication de ce chiffre. Le strict minimum que puisse faire un DSI dans cette situation, est de mettre sur la table l'option de migrer vers une autre solution lors de la négociation pour modérer les augmentations de prix, et ce même si le DSI n'est pas personnellement favorable à la mise en place de la solution alternative.

La FSFE va continuer à suivre cette affaire et à apporter son soutien à toute activité visant à promouvoir les alternatives et la compétition. A la FSFE nous avons le sentiment qu'un des points clefs est la fourniture correcte de logiciels, comme pour toutes les acquisitions réalisées avec l'argent des contribuables. Pour s'assurer d'une compétition juste, et d'une utilisation efficace des fonds publics, aucun département de l'information ne devrait considérer comme acquis l'utilisation des produits Microsoft ou d'OpenOffice. Chaque système doit être testé, et la meilleure offre choisie.

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See also:

Cette analyse a été préparée par l'équipe finlandaise de la FSFE dirigée par Otto Kekäläinen, coordinateur finlandais, FSFE.

¹ = comprenez pourquoi à la FSFE, nous parlons de logiciel libre plutôt que d'« open source »